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Quelques explications sur des modèles mathématiques simples d'épidémie : les modèles compartimentaux. Ou comment peut-on faire des prévisions sur les phénomènes épidémiques, et pourquoi il est important de se confiner.

Ces modèles répartissent la population en un certain nombre de compartiments (individus sains, infectés, guéris, morts…) - et donnent des règles simples expliquant les passages d'un compartiment à l'autre.

Modèle SIR

Le modèle SIR est l'un des plus simples. Il répartit la population en trois compartiments :

On note par extension S, I et R les pourcentages dans la population d'individus dans chacune ces trois classes à un moment donné. Par exemple, si $S=0.3$, $I=0.5$ et $R=0.2$, cela signifie que $30\%$ de la population est susceptible, $50\%$ infectée, et $20\%$ guérie.

Le modèle donne ensuite des règles expliquant comment sont modifiés ces pourcentages au fil du temps - c'est-à-dire essentiellement «à quelle vitesse» une personne va en moyenne passer de la classe S à la classe I (être infectée), puis de la classe I à la classe R (être guérie). Pour les modèles SIR les plus simples, on utilise les règles suivantes : On obtient alors ce que l'on appelle un système d'équations différentielles : $$\left\{\begin{array}{rcl} \frac{dR}{dt}&=&c I\\ \frac{dS}{dt}&=&-bIS\\ \frac{dI}{dt}&=&bIS-cI\\ \end{array}\right.$$ une équation différentielle désignant une équation qui décrit la variation d'une quantité au cours du temps, et système signifiant simplement la présence de plusieurs équations.
À noter que $\frac{dS}{dt}+\frac{dI}{dt}+\frac{dR}{dt}=0$, ce qui est normal : $S+I+R=1$ est une quantité qui ne varie pas dans le temps (elle représente «$100\%$» de la population).

Un tel système d'équations peut dans les cas simples être résolu exactement, à l'aide de méthodes mathématiques. Dans les cas où une telle résolution exacte n'est pas possible, il est toujours possible de le simuler, c'est-à-dire d'en calculer des solutions approchées. On peut utiliser pour cela des méthodes comme la méthode d'Euler - qui s'étudient généralement en L1.

C'est ce qui est fait ci-dessous. Vous pouvez faire varier les paramètres du modèle pour voir comment évoluent les différentes courbes. En dessous, vous pouvez visualiser la proportion de la population dans chacun des compartiments sur un échantillon de 500 personnes, ce qui peut être plus parlant que les courbes.

En particulier, je conseille de faire baisser le paramètre $b$ de force de l'infection : qualitativement, c'est sur ce paramètre que l'on joue par des mesures de distanciation sociale et/ou de confinement (selon les estimations actuelles, le confinement fait environ baisser $b$ de moitié). Vous pourrez observer que baisser ce paramètre conduit à un étalement (et un retardement) du pic d'infection, dont j'expliquerai l'intérêt un peu plus tard.

Modèle :
Force de l'infection  b =

Taux de guérison  c =




Susceptibles . Infectés . Guéris .

Quelques commentaires.

Et les décès dans tout ça ?

C'est évidemment ce qui nous intéresse en premier lieu, et qui n'apparait pas dans le modèle de base, car prendre en compte les personnes décédées dans un nouveau compartiment D ne change pas la dynamique de celui-ci : en effet, une personne décédée est passée avant par le compartiment I (infecté) et ne contaminera plus personne - donc du point de vue du modèle, une personne décédée joue le même «rôle» qu'une personne guérie.

C'est évidemment tout à fait faux en pratique, et nous allons donc ajouter un nouveau compartiment D pour les personnes décédées, et modifier nos équations en fonction.

$$\left\{\begin{array}{rcl} \frac{dR}{dt}&=&c I\\ \frac{dS}{dt}&=&-bI\\ \frac{dI}{dt}&=&bIS-cI\mathbf{-mI}\\ \mathbf{\frac{dD}{dt}}&\mathbf{=}&\mathbf{mI}\\ \end{array}\right.$$ La principale nouveauté est l'apparition de la dernière ligne, qui dit que l'augmentation du nombre de personnes décédées est proportionnelle au nombre de personnes infectées. Le coefficient de proportionnalité, $m$, est appelé taux de mortalité.
La troisième équation a été modifiée pour prendre en compte le fait que le nombre de personnes infectées diminue maintenant à cause des décès.

Le simulateur ci-dessus permet de prendre en compte ce nouveau compartiment, en sélectionnant le modèle SIRD au lieu du modèle SIR. Vous pouvez à nouveau faire baisser le paramètre $b$ (force de l'infection) pour avoir une idée qualitative de son incidence sur la mortalité totale.

L'importance du confinement.


L'importance du confinement pour l'épidémie de COVID-19 est en fait sous-estimé dans la section précédente. Pourquoi ? Rappel important à ce stade : un modèle n'est qu'une simplification de la réalité. Et une de nos hypothèses est ici déraisonnable dans le cas du COVID-19 : le fait que l'augmentation du nombre de décès soit proportionnel au nombre de personnes infectées.
En effet, cette hypothèse ne tient pas compte de la saturation du système de santé. Si la capacité d'accueil du système de santé est dépassée, on peut s'attendre à une surmortalité importante.
Cette autre simulation montre ce phénomène. Encore une fois, c'est très qualitatif. J'ai supposé arbitrairement que le système de santé est saturé à partir du moment où un dixième de la population est infecté, et que le taux de mortalité est multiplié par 10 au delà de ce seuil (cela correspond à la partie hachurée sous la courbe des infectés).
Attention, il ne s'agit toujours pas de valeurs réelles, mais d'exemples permettant d'expliquer des principes que l'on retrouve pour l'épidémie de COVID-19.
À nouveau, faites baisser le paramètre $b$ (force de l'infection), pour voir qualitativement l'effet du confinement. Le nombre de décès diminue drastiquement.
Le véritable enjeu du confinement n'est pas individuel, mais avant tout collectif le confinement permet d'étaler le pic des infections afin d'éviter ou de limiter la saturation des services de santé, et donc d'éviter la surmortalité correspondante. Conclusion : restez chez vous, et respectez les règles de distanciation sociale.

D'autres avantages :

Déconfinement, et rebond de l'épidémie ? (À suivre…)