Cette page propose quelques explications et simulations entièrement basées sur l'article The
Chemical Basis of Morphogenesis,
publié par Alan TuringL'un des pères fondateurs de l'informatique, principalement connu pour ses travaux fondamentaux sur la calculabilité. en 1952.
L'article original nécessite un niveau L2 en mathématique
pour être lu dans son intégralité, mais peut être abordé
plus tôt quitte à sauter les sections les plus techniques. On peut le trouver à l'adresse suivante:
Cet article débute par des expériences de pensée au tour
de la brisure de symétrie -
appliquées à la biologie.
Imaginons un système biologique, présentant initialement
une symétrie - par exemple cylindrique. On peut penser à
une forme de tige, où les concentrations en différents
réactifs en un point $(r,\theta,z)$ ne dépendent que de la
distance $r$ au centre de la tige et de la cote $z$, mais
pas de l'azimut $\theta$.
Les lois de la physique et de la chimie étant
invariantes par rotation (c'est-à-dire ne dépendant pas du
$\theta$ où on les applique), comment se fait-il que
puisse apparaitre une brisure de symétrie,
i.e. des phénomènes dépendant de $\theta$ ? Par exemple des
départs de tiges exactement opposés sur la tige initiale,
où encore l'apparition d'une fleur présentant une symétrie
pentaradiée ou hexaradiée ?
Dans la réalité, les concentrations des différents
réactifs seront sujets à de petites fluctuations
statistiques. En moyenne, leur répartition ne
dépendra pas de $\theta$, mais en réalité, elle en
dépendra très légèrement.
Turing imagine alors un modèle très simple, probablement
peu réaliste, mais qui montre la faisabilité d'une rupture
de symétrie à partir de briques élémentaires que l'on peut
retrouver dans tout système biologique.
Il imagine pour simplifier un anneau de cellules, toutes identiques.
Dans chaque cellule, il y a des réactifs, au départ avec la même concentration dans chacune d'elles (aux petites fluctuations statistiques dont il est question ci-dessus près). On trouve parmi ces réactifs $X$ et $Y$, ainsi que quelques autres. Les réactions sont détaillées dans l'article.
Les réactifs $X$ et $Y$ peuvent par ailleurs
passer d'une cellule à l'autre : s'il y en a plus de
$X$ dans une cellule que dans sa voisine, $X$ va
diffuser, à une vitesse proportionnelle à la
différence de concentration entre les 2 cellules.
Il montre alors par une étude mathématique que la symétrie
peut se briser dans ce type de système, et que l'on peut
voir apparaitre des motifs - par exemple 4 ou 5 pics de
concentration de $X$, répartis de façon régulière sur
l'anneau de cellules. On peut alors imaginer la naissance
de pétales ou d'autres structures à partir des zones où la
concentration de $X$ est importante.
Quelques simulations numériques sont également présentées -
confortant les résultats - dans la mesure des possibilités des calculateurs de l'époque (1952 pour rappel !).
Les applications ci-dessous permettent de reproduire ces
simulations.
Anneau de cellules
C'est le modèle principalement étudié par Turing. On
simule ici les réactions décrites au début de la section
10 de l'article.
Le système est au départ dans une situation d'équilibre stable,
où les concentrations de $X$ et $Y$ sont égales dans
toutes les cellules, aux fluctuations statistiques
près. Il y a également un catalyseur, dont la
concentration est contrôlée par un paramètre $\gamma$, dont
l'augmentation déclenche les réactions qui mènent à la
rupture de symétrie. $\gamma$ revient ensuite à son niveau
initial - et l'on observe alors que le système est à
nouveau dans un état d'équilibre stable, mais avec une symétrie tetraradiée
ou pentaradiée.
Les graphes verts et bleus donnent respectivement les
concentrations de $X$ et de $Y$ dans les cellules à tout
moment. Le code couleur sur les cellules elles-même permet
également de visualiser cela (une cellule est d'autant
plus sombre que la concentration de $X$ domine celle de
$Y$).
Vous pouvez décocher la case «fluctuations
statistiques». Dans ce cas, les concentrations de $X$ et
de $Y$ sont parfaitement égales au début de la simulation
- ce qui n'est pas réaliste. Les règles régissant
l'évolution du système étant invariantes par rotation, les
concentrations restent alors toujours identiques d'une
cellule à l'autre.
Plan de cellules
Ce second simulateur reprend les mêmes équations que
ci-dessus, mais cette fois-ci, les cellules forment un
carré (reproduit périodiquement dans les deux dimensions).
On voit apparaitre des motifs de différents types - vous
pouvez par exemple essayer de mettre le paramètre de
diffusion de $Y$ à 0.55, 0.4 ou 0.3. Selon la puissance de votre machine, vous pouvez essayer d'augmenter le nombre de cellules.
Le modèle imaginé par Turing permet bien, à partir de lois simples, de faire apparaitre des ruptures de symétries à partir d'un système au départ homogène (aux fluctuations statistiques près).